HYPNOSE

Magie, divination, sorcellerie, occultisme, magnétisme, somnambulisme, hystérie : que de livres écrits dans les siècles passés, que de crimes commis en leurs noms. Quoi d’étonnant que leur fille naturelle et historique, l’hypnose, reste sur certains préjugés défavorables. Les sources de l’hypnose remontent au magnétisme lui-même issu de temps immémoriaux. On peut affirmer que les premiers sorciers des premières tribus ont pratiqué sans le savoir, une forme d’hypnose activée par la suggestion. Si l’époque moderne commence avec Mesmer et ses baquets, sa théorie du magnétisme animal venait de loin ! Dans le cadre de ce livre nous ne pouvons nous livrer à une véritable histoire de l’hypnose, cependant les grandes dates et leur signification éclairent sur le processus d’évolution qui va amener à l’hypnose moderne, mère de la Sophrologie, certainement pas son épouse quoique parfois son amante.

 

Tableau chronologique de l’hypnose

(points de repères)

 

« Magie, Magnétisme, Hypnose, Sophrologie sont des termes qui tracent le chemin par lequel se sont dirigés les recherches et les études concernant la Conscience. Chacun de ces vocables signale une époque et prépare l’évolution vers la suivante ».

A. Pedro Pons

Citons quelques exemples de tout ce qui fut, peu ou prou, précurseur du magnétisme.

L’Ancienne Science des Mages peut être retrouvée jusque sur certaines inscriptions cunéiformes chez les Chaldéens.

La Magie.

Les Arts divinatoires de l’antiquité.

Les Fakirs hindous et aïssaouas.

Les prêtres égyptiens.

Les Martyrs, les bêtes fauves hypnotisées.

La Sorcellerie.

Les Phénomènes hystériques sacrés, les possédés, la possession démoniaque au moyen-âge.

L’Occultisme.

Avicenne et sa philosophie illuminative.

Alchimie, Ars Magna, Transmutation, Nicolas Flamel, Jean-Baptiste Van Helmont 1577-1644 etc.

Paracelse (1493-1541) : traitement par les aimants. La vis magnetica[1], cette force déterminant l’influence des corps célestes et terrestres les uns sur les autres, résumait la doctrine de l’attraction universelle, et sa théorie des correspondances.

Robert Fludd (1574-1637).

Le magnétisme minéral et les appareils aimantés : le Père Kircher au XVIIe siècle, les pères Hell et Lenoble au XVIIIe.

La médecine magnétique du Sympathéisme : les magnétiseurs avant Mesmer (nombreux Traités de la cure magnétique des plaies).

Comte de Saint-Germain et Cagliostro au XVIIIe siècle.

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MESMER Franz Anton (1734-1815)

Le magnétisme animal sort du chaos. Mesmer est plus un rénovateur qu’un créateur. Dans sa « Dissertation sur l’influence des planètes sur le corps humain » de 1766, il s’appuie sur les principes connus de l’attraction universelle. C’est en 1779 qu’il publie son « Mémoire sur la découverte du magnétisme animal » dans lequel il lance ses fameuses propositions. Citons en quelques extraits:

« Il existe une influence naturelle entre les corps célestes, la terre et les corps animés… Un fluide universellement répandu est le moyen de cette influence… Cette action réciproque est soumise à des lois mécaniques inconnues jusqu’à présent… Il résulte de cette action des effets mécaniques qui peuvent être considérés comme un flux et un reflux…Le corps animal éprouve les effets alternatifs de cet agent.… Il se manifeste dans le corps humain des propriétés analogues à celle de l’aimant ; on y distingue des pôles.… La propriété du corps animal qui le rend susceptible de l’influence des corps célestes et de l’action réciproque de ceux qui l’environnent, manifestée par son analogie avec l’aimant, m’a déterminé à le nommer : MAGNÉTISME ANIMAL… L’action et la vertu du magnétisme animal peuvent être communiquées à d’autres corps animés ou inanimés… On observe, à l’expérience, l’écoulement d’une matière dont la subtilité pénètre tous les corps… ».

Mesmer inventa des pratiques destinées à faire circuler ce magnétisme animal dont la plus célèbre est celle de ses baquets, cuves remplies d’eau de verre pilé et de limailles de fer, desquelles sortaient des tiges de fer  s’appliquant sur les malades installés en cercle autour des cuves et reliés par une corde. Dans le rapport des commissaires chargés par Louis XVI de l’examen du magnétisme animal, ceux-ci concluent à des manifestations typiques d’hystérie pendant les séances, il existe d’ailleurs une salle nommée « salle des crises ». Il est vrai qu’il n’y eut jamais de révélateur plus énergique de cette névrose qu’est l’hystérie. Donc en 1785 le magnétisme animal est condamné non seulement par les commissaires du roi, mais aussi par la Société royale de médecine en raison du risque de contacter une habitude spasmodique et convulsive.

 

Puységur

Il découvre le somnambulisme artificiel en 1784. Cette découverte eut un immense retentissement. Les passes magnétiques n’aboutissaient plus à une sorte de crise convulsive mais à une sorte de sommeil bienfaisant. Cet état était dû non plus à une théorie cosmique mais à la volonté du magnétiseur.

Deleuze

Dans son histoire critique du magnétisme animal de 1813 précisera la pratique et les caractéristiques du somnambulisme. Il parlera le premier de la non conservation du souvenir de ce qui avait été vécu dans l’état de somnambulisme.

 

L’abbé de Faria

Prêtre portugais, brahmine, venu directement des Indes fut à l’origine d’une révolution en déclarant que le magnétisme n’existait pas. Tout était dans l’imagination du sujet à magnétiser. Dans son ouvrage « De la cause du sommeil lucide ou étude de la nature de l’homme » il écrit : « on ne fait pas d’époptes toutes les fois qu’on le veut mais seulement quand on trouve des sujets aptes… Le sommeil qui naît de la pensée non exprimée du concentrateur appartient à la complaisance de l’époque ». Sa méthode pour obtenir le sommeil est nouvelle, basée sur la concentration et la suggestion, il s’assure préalablement de ceux qui ont les dispositions requises. Sa théorie contient en germe celle de Braid.

 

Du Potet

Avec Du Potet on assiste à un retournement du discrédit du magnétisme car celui-ci prend un tour plus scientifique et plus médical. Du Potet écrit en 1821 un « Traité complet du magnétisme » et inaugure les interventions sous anesthésie par sommeil magnétique ; il magnétise ses malades à l’Hôtel-Dieu. Sous son influence, l’Académie de médecine en 1826 réexaminera la question du magnétisme animal. De nombreux chirurgiens utiliseront l’hypnose comme moyen d’anesthésie, notamment le Dr. Elliotson en Angleterre.

 

Lafontaine (1803-1892)

Il se rend célèbre en tant que magnétiseur de théâtre, mais son nom est resté car c’est en assistant à ses séances que Braid eut l’intuition que le fluide des magnétiseurs n’était pas en cause mais plutôt la fixation d’un corps brillant qui entraînait un épuisement des réserves nerveuses, la fatigue et le besoin de dormir.

 

James Braid ( -1860)

C’est donc un chirurgien anglais de Manchester qui va amener une véritable révolution de la science magnétique avec son livre « Neurypnologie, Traité du sommeil nerveux ou hypnotisme » en 1843. Il crée le mot hypnose proposant de donner le nom d’hypnotisme à la production d’un sommeil artificiel, quand il y a perte de la mémoire. Il élabore sa théorie subjective à partir de la fixation d’un objet brillant, développe les suggestions et constate la célèbre triade : léthargie, catalepsie, somnambulisme.

 

CHARCOT, la Salpetrière, l’École de Paris.

C’est à Charcot que revint le mérite de faire de l’hypnose une véritable science. C’est en 1878 que commencèrent, à l’hospice de la Salpetrière, ses conférences mémorables qui donnèrent un essor tout nouveau aux études hypnotiques. Il détermina les signes diagnostiques des différents états hypnotiques. Considérant que les hystériques présentaient au degré suprême l’accentuation de tous les signes de ce qu’il appelait le grand hypnotisme, il les prenait exclusivement pour base de sa description, se réservant de conclure du simple au composé. Il établira une conception psychophysique de l’hypnose. Si certains aspects ostentatoires des démonstrations de Charcot ont été critiqués, c’est pourtant à lui que l’hypnose doit ses lettres de noblesse et son entrée dans le monde scientifique à l’époque.

Freud assistera aux démonstrations de Charcot. La face cachée de l’hypnose devait quant à elle amener Freud au concept d’inconscient.

 

Les Dr. LIÉBAULT et BERNHEIM, l’École de Nancy.

Ces deux médecins étudieront contrairement à Charcot, plutôt l’hypnose chez les sujets sains et donneront la primauté de l’action hypnotique à la suggestion. Leur opposition de l’époque à Charcot n’a plus lieu d’être, leurs travaux étant complémentaires. Dès 1866, Liebault publia « Du sommeil et des états analogues considérés surtout au point de vue de l’action du moral sur le physique ». Ce livre passé inaperçu fut exhumé par Bernheim en 1883, il y souligna la conception du sommeil provoqué par la suggestion. Les phénomènes hypnotiques sont dus à la suggestibilité normale, exaltée dans la concentration psychique du sommeil. La psychothérapie est suggestive pendant le sommeil provoqué. L’ouvrage fondamental du Dr Bernheim « De la Suggestion » sera publié en 1916.

 

Le XXe siècle et l’hypnose.

Paul Richer, Azam de Bordeaux, Broca, Charles Richet, Dumontpallier, Lancelin, de Rochas, Paul Magnin, Pitres, Henri Durville, Pierre Janet et bien d’autres contribueront au succès de l’hypnose qui ne sera malheureusement pas exempte de déviations et d’excès.

Le Dr. J.H. Schultz tirera de l’hypnose le Training Autogène.

L’École Russe de Betcherev et Pavlov fait de l’hypnose un moyen thérapeutique et l’étend à l’accouchement sans douleur.

Plus près de nous en France, Chertok sera le grand tenant de l’hypnose classique tandis que de nos jours l’hypnose ericksonnienne renouvelle fortement les stratégies d’une nouvelle hypnose dite « moderne ».

Enfin, c’est pour renouveler l’hypnose et la dépasser que des médecins qui la pratiquaient, trouvant ses résultats thérapeutiques efficaces mais ses concepts et théories confus,  au premier rang desquels Caycedo, ont créé la Sophrologie.

 

 



[1] Influence magnétique des astres sur les humains et leurs maladies.

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